dimanche 6 juin 2010

Embrassons la culture!


Suite au nouveau décret du ministre de la culture, qui prévoit une réduction du budget consacré aux théâtres nationaux, La Scala s'est mise en grève. Après l'initiative du 13 mai 2010 qui avait conduit à la distribution de bandeaux jaunes (couleur de la culture) et de places gratuites pour l'opéra de Wagner «L'or du Rhin», les travailleurs du monde du spectacle ont remis ça une semaine plus tard en distribuant gratuitement des places pour assister à la répétition générale du fameux «balletto trittico ».
Une occasion unique pour les étudiants étrangers que nous sommes d'assister à un spectacle dans ce théâtre de renommée mondiale. Bien sûr, toute chose a un prix. La direction ayant décidé de ne donner qu'un billet par personne, les plus acharnés ont dû faire deux, voire trois fois la file d'attente pour pouvoir se rendre au spectacle accompagnés. À 18 heures, tous les manifestants ou, dans notre cas, les simples passants interpelés par les mégaphones, se sont donnés la main et ont formé un cercle pour « embrasser La Scala», un geste symbolique qui montre l'attachement des Milanais envers leur théâtre et la vie culturelle de leur ville.

Cœur d'Européen


S'il y a bien un mot qui ne passe pas inaperçu dans le monde étudiant du XXIe siècle, c'est celui-ci : Erasmus. Non, il ne s'agit pas de ce grand savant néerlandais réputé pour avoir été un grand voyageur, mais d'un programme d'échange universitaire qui a changé la vie de milliers d'étudiants en Europe. On aura tout entendu sur ces jeunes oiseaux migrateurs : ils sont privilégiés et donc étudient moins, ils font la fête à longueur de journée et manquent presque tous les cours, leur unique motivation est celle de s'amuser tout en touchant une bourse d'étude. Jalousie? Pure ignorance?

La vie de l'Eramus est loin d'être de tout repos. Si les universités proposent de nombreux accords, cela ne signifie pas qu'elles se chargent de régler toutes les formalités administratives. Comme tous les étudiants de tous les pays, notre petit oiseau migrateur n'échappe pas aux longues files d'attente devant les bureaux des inscriptions, il doit lui-même fouiner dans les guides pédagogiques des universités et sur leurs sites internet pour trouver les cours qui correspondent à son cursus, et pire encore, il doit se trouver un nid (les résidences universitaires ne sont pas d'usage dans tous les pays ou sont souvent réservée aux étudiants « fixes » qui ont fourni de bons résultats). Et bien sûr, tout ceci nécessite une certaine connaissance de la langue du pays d'accueil, ou du moins de l'anglais. La bourse? Elle est souvent versée à la fin du séjour et atteint à peine les 150€ par mois, chose qui provoque le rire jaune des étudiants qui ont pour destination Paris, Londres ou Milan.

Les vilains calomniateurs ont cependant raison sur un point : les Erasmus ont de la chance. Mais pour des motifs bien différents de ceux qui sont souvent cités. Ils ont de la chance car ils ont la possibilité de vivre l'Europe, cette réalité souvent informe aux yeux de nos concitoyens. L'Europe, c'est beaucoup de choses. C'est rencontrer des personnes de tous horizons. C'est découvrir le métier auquel on se prépare sous d'autres angles. Mais c'est surtout se rendre compte qu'à l'Est aussi, il y a des Européens. Que l'on choisisse un pays comme l'Espagne, l'Allemagne ou même la Norvège, la rencontre avec ces étudiants venant de pays anciennement communistes est inévitable, et on ne peut que s'en réjouir, car c'est ainsi qu'on se rend compte du chemin qu'ils ont parcouru, de l'effort qu'ils ont fourni pour s'intégrer à une Europe taillée sur mesure pour les pays occidentaux. Nos pères ont vu juste en mettant au point un tel programme et en plaçant l'espoir d'une Europe unie dans la jeunesse, car les universités ont souvent été moteurs de réformes et ce n'est qu'en étant au contact des autres que l'on apprend à être plus tolérant et respectueux des différences.

À leur retour dans leurs pays d'origine, les étudiants sont unanimes : ils se sentent tous enrichis d'un point de vue culturel et humain, et surtout plus flexibles, des qualités qui leur seront utiles pour leur avenir professionnel. La dernière crise, qui a touché durement les puissances européennes, n'a fait que renforcer une certitude : les jeunes diplômés devront lutter pour s'imposer sur le marché du travail et surtout, ils doivent être prêts à tout, y compris à partir travailler à l'étranger. Les sceptiques n'ont qu'à constater le nombre d'entreprises qui s'implantent dans ces pays « moins chers » et proposent, voire imposent des mutations à leurs employés, qui sont souvent vécues comme une punition plutôt que comme une chance. L'Europe fait encore peur mais offre pourtant tant de choses à ceux qui se donnent la peine de la vivre, et ça, les Erasmus le savent bien. Alors si vous vous sentez prêts à sauter le pas, suivez la marche et lancez-vous à la conquête de l'Est.